Interview d’expert : « Promotion immobilière : Défis et opportunités dans le secteur »
Le secteur immobilier en Tunisie est un acteur clé de l’économie tunisienne, voire un marché en pleine mutation, avec des opportunités d’investissement mais aussi des défis pour les promoteurs immobiliers. Dans ce contexte, Mubawab.tn s’est adressé à Mme Nadia Lotfi, directrice générale de la promotion Immobilière Ben Mokhtar (IBM), qui a partagé avec nous son expertise et son point de vue sur les problématiques actuelles du secteur. Interview.
Quels sont les défis confrontés actuellement par les promoteurs immobiliers en Tunisie?
Depuis la crise sanitaire, le secteur immobilier en Tunisie bat de l’aile. Avec l’inflation, l’augmentation du Taux Moyen du Marché Monétaire (TMM)…Les promoteurs ont vu leur gains se réduire au cours de cette période post covid. Par ailleurs, les terrains fonciers se font de plus en plus rares, d’où la flambée du prix du mètre carré. Les propriétaires de terrains préfèrent désormais reporter les ventes en attendant des acquisitions plus avantageuses suite à d’éventuelles augmentations des tarifs du m², tombant ainsi dans la spéculation immobilière.
En effet, il faut rappeler que parmi les conditions et les critères d’octroi de lot via l’Agence Foncière d’habitation (AFH), le promoteur doit payer une TVA de 13%. Un taux qui a fragilisé le secteur avec l’application de nouvelles lois qui ne servent pas les intérêts des promoteurs et du secteur en général.
De plus, une augmentation de la TVA de 13% à 19% est prévue en 2024. Une décision qui augmentera sans doute les frais de construction, notamment pour le sable, le fer, le ciment, la brique, etc.
Par ailleurs, le ralentissement de l’investissement immobilier est également imputé à la bureaucratie. Le processus bureaucratique et la paperasse administrative entraînent des retards dans l’examen des plans d’aménagement des lotissements.
En effet, les promoteurs ne peuvent pas nier que les départements concernés effectuent un travail minutieux pour garantir la conformité aux conditions, assurer la sécurité des paiements et pour contrôler le clientélisme, mais cela prend énormément de temps. En conséquence, les projets des promoteurs sont suspendus jusqu’à ce que l’administration approuve les plans d’aménagement urbain.
Une solution est à prévoir pour accélérer ce processus d’investissement.
Quelles sont vos recommandations pour relancer le secteur immobilier?
Les actifs dans le secteur sont conscients que le manque de visibilité concernant le remboursement des crédits du Fonds monétaire international (FMI), a poussé l’Etat à mettre en place des solutions drastiques. Mais ceci a privé les Tunisiens ainsi que les promoteurs d’une certaine flexibilité en matière d’acquisition immobilière.
Pourtant, il est clair que depuis la crise sanitaire, le remboursement des crédits est devenu de plus en plus difficile pour les acquéreurs, impactant ainsi les ventes des biens immobiliers. Les promoteurs ont vu aussi leurs bénéfices baisser notamment en prenant d’énormes risques via de grands crédits immobiliers pour la construction ou l’achat, à l’origine de la hausse des prix du m²…
Pour sauver le secteur au plus vite, il serait judicieux de mettre en place un taux d’intérêt plus avantageux pour les crédits immobiliers qui ne soit pas le même pour les crédits auto, de consommation ou de rénovation…L’objectif étant d’instaurer de meilleures conditions d’achat.
Il serait aussi préférable de faire appel à des experts juridiques en la matière, capables de trouver des solutions satisfaisantes à long terme pour toutes les parties prenantes.
Sauver le secteur ou encore le relancer, c’est aussi garantir la pérennité des milliers d’emplois à travers le pays.
Quels sont les pires scénarios qui menacent le secteur?
Le secteur immobilier risque de se retrouver dans une bulle immobilière spéculative. Rappelons qu’en Espagne entre 1999 et 2008 a été causée par une combinaison de facteurs économiques, financiers et politiques, notamment la sur-construction, la spéculation, l’endettement excessif des ménages, la faible réglementation financière et la crise financière mondiale.
Les promoteurs immobiliers ont construit de nombreux logements pour répondre à une forte demande, les prix de l’immobilier ont augmenté rapidement, et les ménages ont emprunté de manière excessive pour acheter des propriétés. Les banques ont pris des risques en se basant sur la valeur de l’immobilier plutôt que sur la capacité de remboursement des emprunteurs, contribuant à la crise. La crise financière mondiale a ensuite entraîné une diminution de la demande pour les propriétés immobilières, provoquant une chute des prix.
L’ensemble de ces facteurs a conduit à l’éclatement de la bulle immobilière, entraînant une chute massive des prix, une augmentation des saisies de propriétés et une crise financière qui a touché tout le pays. Ces circonstances rappellent la conjoncture du secteur immobilier en Tunisie. Des mesures sont à prendre le plus urgent possible, avant qu’il ne devienne trop tard….
Propos recueillis par Mubawab.tn