« Flambée du prix du m² : Comment en sommes nous arrivés là ? »

Le logement est la première promotion immobilière privée en Tunisie fondée depuis 1968. Forte de près de 5000 logements construits et réalisés à ce jour, dans différents quartiers de la capitale, cette entreprise a su se faire un nom, dans le marché immobilier tunisien. 

Cette entreprise familiale dirigée par M. Moez Chaabouni a connu une ascension fulgurante dans un marché concurrentiel, en se positionnant sur des projets immobiliers ambitieux et économiques. Mais, qu’en est-il de la santé immobilière en Tunisie ? Comment se porte le marché ? Quels sont les défis auxquels les acteurs du secteur sont confrontés ? Dans une interview exclusive accordée à Mubawab.tn, M. Moez Chaabouni répond à nos questions.

Quelles sont les origines de la crise immobilière en Tunisie ?

Les débuts du secteur immobilier en Tunisie remontent aux années 70, avec l’apparition des crédits immobiliers lancés par La Caisse nationale d’Epargne Logement CNEL (transformée en la Banque de l’Habitat (BH) dans les années 90). Mais la véritable évolution dans cette industrie s’est confirmée avec la prolifération des organismes de financement dans les années 80. Cependant, cette période faste a été confrontée à l’instabilité politique dans la décennie suivante, en particulier entre 1986 et 1987. 

Heureusement que l’effet des querelles politiques n’a duré que deux ans, car les années 90 semblaient prometteuses pour le secteur, jusqu’à ce que l’inflation hors de contrôle cause une flambée des prix des matériaux de construction. 

En effet, cette hausse a évolué graduellement durant la dernière décennie, parallèlement à la tendance haussière du Taux du Marché Monétaire (TMM). Par conséquent, le secteur immobilier est désormais asphyxié par la hausse du prix de la matière première, du coût de la construction, et de l’incapacité des acquéreurs à trouver un bien, qui convient à leurs petites bourses…

Inflation : Quelles répercussions sur le prix du m² ? 

A cause de tous ces changements, le coût du mètre carré dans les quartiers populaires comme à Borj Louzir est passé de 1320 DT/m² en 2017 à 1750 DT/m² en 2022. Selon nos prévisions, ce prix dépassera les 2000 DT/m² en 2024 dans la même zone si l’inflation maintient sa tendance haussière. 

Cette hausse est due à la dépréciation du dinar tunisien qui s’est répercutée sur le prix d’achat des matériaux de construction importés, tels que les accessoires, sanitaires, aluminium et bois…

Même les logements économiques ainsi que la construction, financés par le Crédit de Fonds de Promotion des Logements Sociaux (Foprolos) ont vu leurs prix augmenter Ce type d’habitation est actuellem²ent compris entre 1700 DT et 2000 DT/m², avec des valeurs atteignant les 2100 DT dans certaines zones périphériques comme au Mourouj. 

La cherté du m² a entraîné un ralentissement des ventes même au niveau des faubourgs de la capitale de Tunis. Cependant, de plus en plus de Tunisiens auront du mal à devenir propriétaires dans un avenir proche, car le taux directeur de la Banque centrale de Tunisie a été relevé de 75 points de base à 8 points depuis décembre 2022, ce qui va compliquer l’obtention de crédits immobiliers pour les promoteurs et les acquéreurs qui cherchent à se procurer ou à emprunter plus de 10 000 DT.

Les logements sociaux sont-ils encore accessibles aux Tunisiens ?  

Malheureusement, le programme de logement social pour les classes moyennes, appelé « Premier Logement », est de plus en plus inaccessible pour la plupart des citoyens tunisiens en raison des conditions difficiles pour l’obtenir.

Pour faciliter l’accès à ces biens immobiliers, la chambre syndicale nationale des promoteurs immobiliers a proposé une réduction du taux d’intérêt des crédits immobiliers destinés à l’achat du logement social pour les classes moyennes. Cette proposition permettrait de réduire les mensualités à rembourser à la banque et de réaliser le rêve de nombreux citoyens de devenir propriétaires.

Vos recommandations pour un rebond rapide du secteur immobilier ?

A mon avis, le taux d’intérêt fixé par la Banque centrale de Tunisie (BCT), ne devrait pas s’appliquer aux crédits immobiliers octroyés aux particuliers. En effet, le taux d’intérêt devrait être plus bas pour les emprunts destinés à l’achat de bien immobilier avec un remboursement à long terme. Ceci permettrait aussi de réduire le coût d’autofinancement.

En effet, l’augmentation de la TVA pour renflouer les caisses de l’État a entraîné des répercussions négatives sur le secteur immobilier. Cette décision a entraîné une hausse des prix pour les citoyens, car elle a eu un impact direct sur le coût de la construction. La chambre syndicale des promoteurs immobiliers de Tunisie s’est opposée à cette décision à plusieurs reprises, mais la révision de la loi a été reportée en raison de l’instabilité politique et des changements continus des gouvernements.

Propos recueillis par Mubawab.tn