Mubawab Dévoile le 3ème épisode du podcast  ImmoTalk : Agent immobilier – Décryptage d’un métier clé

Trop souvent réduit à la simple mise en relation entre vendeurs et acheteurs, le métier d’agent immobilier se retrouve aujourd’hui au cœur d’enjeux cruciaux : régulation d’un marché où 40 % des revenus restent non déclarés, lutte contre le blanchiment d’argent, encadrement d’une digitalisation galopante et défense d’une profession victime d’imposteurs toujours plus nombreux. 

C’est dans ce contexte que Mubawab consacre le troisième épisode de son podcast Immotalk à ce métier “ L’agent immobilier : un décryptage d’un métier clé”, via une présentation complète de cette profession technique et socialement indispensable, en donnant la parole à deux experts : Radhouane Ben Chaieb, fondateur de l’agence immobilière El Borj et membre du GPAI (Groupement Professionnel des Agents Immobiliers), et Sadok Ben Rebeh, fondateur de Plaza Immobilière et porte-parole du GPAI.

Ce troisième épisode d’Immotalk va bien au-delà du simple état des lieux. Il trace les contours d’un métier de demain, exigeant mais passionnant, structurant pour l’économie tunisienne. Un métier qui mérite d’être mieux compris, protégé, et valorisé.

Regarder l’intégralité du 3ème épisode de Immotalk sur ce lien PAR ICI. 

« Tout le génie de l’agent est dans l’estimation » — Radhouane Ben Chaieb

Véritable ingénieur de la valeur, l’agent immobilier maîtrise les données foncières, commerciales, agricoles ou résidentielles pour évaluer un bien à sa juste valeur. Sa méthode croise informations de marché, motivation du vendeur et délai souhaité : « le temps, pierre angulaire du processus ». De cette expertise découle la stratégie de commercialisation adaptée à chaque bien, qu’il s’agisse de vente ou de location.

Un métier technique, social… et rare lorsqu’il est mal exercé

Parce qu’il veille à respecter les prix du marché, l’agent immobilier régule la flambée spéculative. Avec 1 400 agences agréées depuis 2021, dont seulement 5 % de franchises (deux réseaux nationaux) contre 93 % d’indépendants, la profession demeure majoritairement locale, mais fragile : Sadok Ben Rebeh, porte parole du GPAI mène « une guerre contre les imposteurs » qui profitent d’une réglementation datée (lois vieilles de plus de 45 ans) pour exercer sans agrément.

Comment choisir son agent ? Compétence, réputation et capacité de conviction

Le GPAI recommande à chaque propriétaire de se fier à l’efficacité prouvée, au référencement sur le marché, aux compétences académiques et à la capacité de l’agent à replacer un bien dans son contexte. L’agrément reste délivré aux candidats de 23 ans minimum, titulaires d’un bac + 2 en économie ou droit, ou forts de deux années d’expérience en agence. S’y ajoutent une assurance responsabilité civile et un fonds de garantie : 200 DT pour la simple transaction, 5 000 DT pour la gestion immobilière, 6 000 DT pour l’ensemble des activités des seuils qu’il devient urgent de réviser.

Un cadre légal obsolète face à la digitalisation et au blanchiment d’argent

Alors que la Banque Centrale de Tunisie reconnaît que les agents n’ont « aucune main » dans le blanchiment qui gangrène le secteur ces dernières années, la profession plaide pour un cahier des charges rehaussant le niveau académique (droit, gestion, informatique, architecture) et pour un texte encadrant la commercialisation en ligne, afin de tracer les transactions illicites d’un secteur parallèle « qui ne contribue pas à l’économie nationale ». Dans l’Union européenne, le courtage sans agrément est déjà passible d’amendes ou de prison ; la Tunisie est invitée à s’inspirer de ce modèle pour protéger vendeurs et acheteurs et renforcer les recettes fiscales. C’est ce qui ressort des déclarations de Radhouane Ben Chaieb, en évoquant l’importance d’assainir le secteur. 

La rémunération : 2 – 3 % sur les ventes, 5 % sur les locations… ou un mois de loyer

D’après Sadok Ben Rebeh, fondateur de l’agence immobilière Plaza Immo, la rémunération des agents immobiliers a été fixée par la loi depuis 1981, la commission de l’agent reste négociable et doit couvrir loyers, charges sociales, TVA et outils marketing : estimation, plan média, visuels, leads qualifiés, panneaux, visites, négociation… Autant de prestations invisibles qui représentent des mois de travail avant l’encaissement.

Vente vs. location : 10 % des problèmes d’un côté, 90 % de l’autre

Selon notre interlocuteur, le plus grand défi de  l’agent immobilier se cache dans les locations. “Elle sollicite l’agent sur toute la ligne : rédaction de bail, sélection du locataire et gestion du suivi, source majeure de litiges”. Contrairement à la vente qui est juridiquement encadrée par un notaire, un huissier de justice ou un avocat.

Intelligence artificielle : un catalyseur, pas un fossoyeur

Concernant l’IA qui s’impose comme un outil indispensable pour se mettre dans l’air du temps dans un secteur en pleine mutation et qui s’adapte avec les nouvelles technologies, Radhouane Ben Chaieb a souligné que “Depuis les premiers courriels à l’IA générative, chaque innovation a d’abord suscité des craintes… avant de s’imposer comme un levier incontournable.  Aujourd’hui, l’IA permet de mieux estimer les biens, de gagner du temps, de générer des prospects/leads qualifiés, de prédire la demande, ou encore d’optimiser les visites virtuelles. Mais, cette dernière est certes capable de transformer la pratique, mais elle ne supprime pas l’humain. D’après lui, il s’agit seulement d’un outil au service du métier. 

Marché locatif : les TRE, acteurs clés du rendement

Avec un rendement locatif net moyen de 5 à 6 % pour les locations saisonnières de courte durée, le segment résidentiel tunisien continue d’attirer les Tunisiens Résidents à l’Étranger (TRE), notamment dans les grandes villes littorales, affirme Sadok Ben Rebeh. 

Mais investir à distance nécessite confiance et accompagnement structuré, martèle-t-il.

« Un agent immobilier fiable devient leur représentant local, leur garant de la tranquillité », résume le GPAI en rappelant que la gestion locative déléguée (avec mandat clair, honoraires définis, reporting digitalisé) est la réponse idéale à ce besoin croissant. Là encore, l’agent devient un pilier de stabilité et de sécurité juridique.

Réformes législatives et accès au logement : repenser sans alourdir

Dans cet épisode d’ImmoTalk, il était question de discuter l’initiative parlementaire controversée : une proposition de loi émanant de 15 députés visant à soumettre toute location de maison ou villa à un cahier des charges émanant du ministère du Tourisme.

« Une approche vétuste, mal pensée, totalement déconnectée du terrain », alerte Ben Rebeh.

Sur le marché locatif national, la réalité est bien différente :

  • 50 % des biens en location sont gérés par des agences immobilières agréées,
  • 40 % passent par des intermédiaires non encadrés ou de la sous-location illégale,
  • 10 % seulement sont directement gérés par les propriétaires.

Selon le fondateur de l’agence immobilière Plaza Immobilière, cette loi aurait dû être construite en concertation avec les professionnels du secteur, notamment le GPAI, et accompagnée d’outils digitaux favorisant la transparence, comme une plateforme nationale dédiée à la location saisonnière.

« Empiler les procédures papier, c’est raviver les vieux démons : lenteur administrative, pots-de-vin, découragement des investisseurs », dénonce-t-il.

Les deux invités appellent à une législation pragmatique, moderne et orientée solutions. Il s’agit de faciliter l’activité économique, pas de l’entraver, à l’image d’autres mesures restées lettre morte, comme l’impôt sur la fortune au-delà de 3,5 millions de dinars, qui devait représenter 3 % du patrimoine et n’a jamais été appliqué, souligne Radhouane Ben Chaieb.

Par ailleurs, le GPAI a insisté également sur le potentiel sous-exploité de la côte tunisienne, longue de 1 350 km : « Nous devons valoriser notre littoral, structurer la location estivale, créer des emplois et redonner vie à nos plages. Pas voter des lois qui tuent l’initiative. »

L’accès au logement : un chantier systémique et un pouvoir d’achat asphyxié

Radhouane Ben Chaieb complète le tableau : « Le problème n’est pas l’immobilier, c’est le pouvoir d’achat. »

Les logements construits en périphérie, faute de planification urbaine efficace, créent des zones délaissées, sans attractivité réelle, tandis que les prêts bancaires restent inaccessibles pour la majorité des Tunisiens. La dépendance aux matériaux importés alourdit encore les coûts. Il plaide pour une politique créative de l’accès au logement, qui pourrait inclure :

  • Des taux bonifiés pour le premier achat,
  • La valorisation de l’ancien,
  • Une défiscalisation partielle des transactions,
  • Une politique globale agissant sur l’offre, les prix, la fiscalité et le financement.

« L’accès au logement est un éternel recommencement. Pendant les cinq prochaines années, il faut agir sur tous les leviers du système. », conclut notre interlocuteur. 

Pour Ben Rebeh, « L’État doit revoir sa stratégie. Il contrôle les taux via la BCT. Les solutions doivent venir d’en haut.»

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